Benoit, tu viens de terminer ta semaine de régate aux Bermudes, quelle est ton impression générale sur cette course ?
Cette semaine a été complète et enrichissante, nous avons eu un mix de conditions allant de la pétole*  (*aucun vent)  au vent fort, et de la pluie incessante à une belle dernière journée ensoleillée ! C’était pour moi l’occasion de me mesurer au gratin du circuit sur une course qui regroupe un niveau proche de celui d’un championnat du monde. Il ne manquait que quelques-uns des meilleurs… J’ai pu valider mes progrès et analyser mes axes de travail pour les prochains mois. 
Mon objectif, c’est le championnat du Monde au Japon en Mai prochain ! Il fallait y être pour progresser.

Ceci dit, j’y suis allé sans pression car cette régate était du bonus dans ma saison, je l’ai pris comme une belle occasion pour aller me confronter à ces marins aux palmarès internationaux. Mais faire dans les 20 premiers, c’est juste une superbe performance ! Je suis vraiment très content même si ce n’était pas une régate facile et j’ai pris un maximum de plaisir, ce qui pour moi est important pour performer !
Qu’est-ce que cette régate t’aura apporté ?
D’un point de vue sportif, j’ai pu validé ma progression depuis cet été, même s’il faut toujours un peu de temps pour retrouver ses sensations après une pause sans navigation (l’hiver étant plutôt réservé à mes recherches budgétaires et technologiques). C’est aussi ces pauses qui permettent de prendre du recul et de valider certains acquis. 
D’autre part cela m’a permis d’identifier les points à travailler cet hiver, autant du point de vue physique que technologique. Les premiers sont vraiment rapides, Rob Greenhald notamment qui remporte la course devant Chris Rashley est réellement impressionnant !
Les cinq mois prochains seront mis à profit pour optimiser au maximum mon bateau avec le test de certaines innovations avec l’objectif d’aller chercher des conditions difficiles dans lesquelles je dois encore progresser.
Et cette semaine aura été aussi marquante d’un point de vue humain : j’ai pu visiter la base d’Oracle Team USA pour la prochaine Course de l’América. Pour moi, la Coupe, c’est un graal de sportif. J’espère un jour pouvoir l’approcher… Mais d’avoir l’occasion de régater dans le Great Sound me donne encore plus envie d’y retourner.
Dans la classe Moth, les concurrents du groupe de tête avec qui je joue sont quasiment tous des professionnels avec des palmarès aux Jeux Olympiques, sur la Volvo Ocean Race ou sur la Coupe de l’America. Etre avec eux, c’est forcément formateur et je m’imprègne au maximum de leur savoir-faire, même si du coup, sur l’eau, c’est dur ! Et quel plaisir d’en battre certains !
Tu finis 20ème au classement général et 1er Français, une réaction ?
C’est une énorme satisfaction de décrocher cette place, je suis vraiment heureux de mon niveau, même s’il faut continuer à progresser !Les conditions ont été sportives, je me suis blessé à l’oreille le 3ème jour puis j’ai cassé l’échelle de rappel le 4ème jour, mais j’ai réussi à réparer en un temps record grâce à l’aide de SOS, alias Simon Owen Smith, venu en vacances tout droit d’Australie pour nous encourager… et nous aider à réparer ! Sans lui, j’aurais eu du mal à finir le championnat. C’est ça aussi l’entraide en Moth, un groupe de personnalités fortes et hyper positives et ça fait toute la différence.
Bref, je me suis battu à mon maximum jusqu’à la fin !

J’étais venu aux Bermudes avant tout parce que j’avais besoin de me mesurer aux marins internationaux et voir si j’allais dans le bon sens…. J’ai ma réponse et c’est très encourageant !! Il me reste maintenant du travail pour continuer dans cette lancée, à suivre en 2016…!
Une anecdote ?
Lors de la seconde journée, le vent était fort, très fort. Ca allait très très vite dans un vent très perturbé par la terre mais une mer plate. Clairement à la limite, notamment lors des croisements aux portant à plus de 28 noeuds… Il faut anticiper très en amont pour éviter les catastrophes, je retiens notamment un croisement très tendu où on était 3 bateaux à converger vers un même point, à une vitesse de rapprochement de 45 noeuds, soit 80km/h. Dans ces conditions, les trajectoires sont difficiles à modifier, c’est passé à moins de 2m… Un autre croisement à 26 noeuds, c’est passé à 15cm et l’autre bateau a dû se jeter à l’eau, étant non prioritaire. J’ai bien cru qu’on allait y laisser le bateau en copeaux ! Mais c’est ce qui fait la force de ce support à la fois rapide et extrème, et cela me permet de développer ma réactivité dans des situations très serrées, c’est clairement la meilleure école !
Sinon, passer les bouées dans les 10 premiers, entouré des meilleurs marins de la planète, c’est une sensation vraiment satisfaisante.

J’espère que tout cela va porter ces fruits et m’emmener sur des plus gros projets dans un futur proche ! A bon entendeur…!

Crédit photo : @Beau Outteridge Productions