Alors que tous les bateaux concurrents de la Transat Jacques Vabre arrivent au Havre, Benoît Marie – vainqueur de la Mini Transat 2013 qui sera en duo avec Armel Tripon à bord de l’Ocean Fifty Les P’tits Doudous – a pris sa plume pour raconter les derniers moments avant le grand départ. Comme d’autres duos de la course, Benoît et Armel feront vivre aux lecteurs de Voiles et Voiliers leur Route du Café. Voici le premier épisode, empreint à la fois de technique, d’excitation et d’émotion.

La nuit est claire et pleine d’étoiles, la lune éclaire de son rayon bienveillant le flotteur sous le vent et son foil qui se dessine dans le reflet miroitant de l’astre sur l’océan. Un léger train de houle nous pousse, presque imperceptible, généré par la dépression qui arrive de l’Ouest. Moi je me réveille, le sourire aux lèvres. C’est mon premier quart de la Transat Jacques Vabre. Enfin, pas encore de la course mais du convoyage pour le départ qui aura lieu depuis Le Havre, de l’autre côté de la pointe de Bretagne. Bon, au moment précis ou je vous parle nous pointons nos étraves vers Port Médoc, comme pour satisfaire notre fier trimaran d’une envie de pèlerinage vers son géniteur, Lalou (Roucayrol) et le team Arkema, qu’il est temps encore une fois de remercier pour la qualité du bateau qu’il nous a légué.

Et oui car au départ de La Trinité-sur-Mer, le routage nous donnait une arrivée en 19 h. Mais pour Armel et moi, il s´agit de notre seule sortie avec une nuit en mer d’entraînement, alors on a souhaité rallonger le parcours pour retrouver la vie à bord, notre rythme, notre monture et un peu d’eau à courir pour se réimprégner de ce qui nous anime tant : naviguer. On va donc faire un parcours dans le golfe de Gascogne pour passer 48 heures en mer. Il faut dire qu’on a de quoi bosser ici. Toutes les voiles sont neuves – on a embarqué notre nouveau grand gennacker et tourmentin dans l’après-midi, pour un petit bord de vérification – réglage avec nos impeccables voiliers de All Purpose. Notre dernière voile arrivera au Havre, et sera l’occasion d’une ultime sortie de vérification.

Bien sûr, nous aurions préféré pouvoir tester nos voiles pendant plus de temps avant, mais tout ne se passe jamais comme prévu… Notre mât s’est écroulé lors de la grande finale du Pro Sailing Tour au large du Portugal. Mais Armel et moi sommes habitués à ces galères. On sait gagner sans en avoir les moyens, donc on part sans aucun complexe. Notre motivation est à bloc, et notre envie de concrétiser décuplée. Notre bateau a eu le temps de se remettre du démâtage grâce à une équipe de choc emmené par notre excellent boat captain Vincent Barnaud qui a tout supervisé : la réparation du mât chez Lorima par Alain, notre mercenaire en composites qui a su refaire puis greffer la portion de mât de 2 mètres qui avait cédé dans un temps record. Sans oublier Jochem et Matéo, nos deux préparateurs orchestrés par Vincent qui s’occupaient de la plateforme. Pendant ce temps, Marion s’attelait à la logistique, aux marquages et à la com – le dossier qui change chaque jour à coup de « tiens rajoute un sticker sur la voile, enlève en un sur la coque »… Tandis qu’Armel et moi remuions ciel et terre pour trouver ce qui nous manque du budget.

Organiser, planifier, négocier, avec partenaires, familles et amis bienveillants. Aurélie, François et Simon se reconnaîtront, j’ai eu l’impression de vivre avec eux ces dernières semaines. Ne croyez pas que les marins ne font que naviguer. Moi, je passe mes journées au téléphone devant mon ordinateur. Et c’est une partie incontournable du métier, qui permet d’envisager – finalement ! – de rejoindre le Havre avec un bateau (plus ou moins) financé mais prêt à gagner cette descente de l’Atlantique dans notre classe. On a l’envie gonflée à bloc. Ce sera ma première Transat Jacques Vabre, ma première transat en double, mais ma seconde en trimaran et ma troisième au total. J’ai tellement rêvé de ce moment que je vais la savourer, celle-ci.

Depuis la mini en 2013, je voulais venir à l’Ocean Fifty, convaincu que c’est le format le plus attractif pour des partenaires avec des budgets réalistes. Et là, je suis de quart, en double, sur mon bateau qui file à une douzaine de nœuds au près dans un vent à peine plus fort, tranquillement, cap sur Orion, à éviter un tanker qui file vers Saint-Nazaire. Ces épreuves desquelles on se relève nous rendent plus forts. Et aujourd’hui, Les p’tits Doudous notre trimaran a été franchement amélioré avec un nouveau safran de coque centrale, un nouveau jeu de voile, des ficelles neuves… Armel et moi sommes prêts, on file vers le Havre, sans complexe dans une classe où, de l’avis de tous, tous peuvent l’emporter. À nous de faire notre métier maintenant – celui qu’on aime vraiment ! – celui de « traverseur d’océans », de bouffeur d’écoutes, de funambule à trois coques, et de conteur du large.

Je vais essayer de vous faire vivre de l’intérieur ce que sera, vraiment, ma Transat Jacques Vabre. Elle a commencé depuis des mois réellement, mais là, abrité sous la casquette, à veiller la nuit pendant qu’Armel dort, ça commence à sentir vraiment bon la Transat et je prends enfin le temps de vous la raconter. Et croyez-moi, c’est vraiment, vraiment un chouette sentiment ! Merci à tous ceux qui rendent possible l’aventure, ceux cités et tous ceux qui se sont associés à notre projet et qui sont aujourd’hui dans nos voiles. Ah ! Et d’ailleurs, il reste de la place pour finir de les payer, ces voiles, donc n’hésitez pas si vous souhaitez rejoindre l’aventure comme partenaire ou mécène, on vous embarque avec plaisir, on a encore besoin de coups de pouce. À bon entendeur ! Et à bientôt au Havre, venez nous voir, on vient livrer les doudous !

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Ma vue au réveil sur les P’tits Doudous. Notre trimaran file à vive allure vers le Havre