Lancé à plus de 23 noeuds de moyenne depuis maintenant plusieurs heures, à la chasse à nos petits concurrents, tout va bien à bord de l’océan fifty Les P’tits Doudous. La télécommande du pilote dans la main pour gérer relances et surventes pour maximiser la vitesse (on est souvent à plus de 27nds!) un œil sur la cartographie et l’AIS, l’autre sur le radar que j’essaye de régler pour améliorer la veille visuelle d’un outil de plus, on croise les cargos qui remontent vers l’Europe. La lune a laissé place à une poudrée d’étoiles, que j’aurais sans doute passé la nuit à observer si je n’étais pas lancé à cette vitesse sur un engin aussi humide…
C’est la 3ème fois que je navigue jusqu’aux Canaries, mais c’est la première seulement que je continue vers le sud . A nous l’Afrique, le Maroc, le Cap Vert, le Brésil… J’entends la douce Saudade de Cesario Evora, j’imagine les pêcheurs sur leurs barques… Un monde nous sépare et pourtant nous sommes tous citoyens de cette belle planète. J’ai la chance de courir l’Océan, un immense privilège de faire un métier aussi incroyable. C’est vrai que ça se mérite des navigations comme celles là et il fallait, comme toujours, faire preuve d’une résilience à toute épreuve, croire en sa bonne étoile et fédérer autour de soi. Quand je vois le nombre de personnes qui suivent, via les messages que je reçois quand on trouve un peu de réseau , je me dis que notre place c’est de faire vivre notre voyage et si on emporte les gens, leur donne envie de eux aussi réaliser leurs rêves les plus fous, et bien nous auront accompli une mission positive, et ça, c’est vraiment chouette .
La nuit dernière a été difficile pour nous avec des zones de molle sous des nuages invisibles (la nuit, sans lune, tous les nuages sont noirs croyez moi !) Le vent vraiment différent de ce que prédisaient les fichiers et le matin, on a morflé… Bataille d’empannages pour gagner dans l’Ouest, retoucher du vent et stopper l’hémorragie de milles face à nos adversaires. Heureusement c’est revenu sous un nuage et on a retrouvé notre rythme normal de glisse facile à plus de 20 noeuds. On a négocié notre passage dans les Canaries dans un couloir nous permettant une catapulte vers le sud et les vents thermiques africains. Il y a les partisants de cette option, Leyton, Koesio et nous, et les autres qui tentent un passage à l’Ouest de l’archipel… Mesdames et messieurs, rien ne va plus – même si tout va bien… – les jeux sont faits (petite pointe à 29,2 nds en passant…) réponse à l’orée du Cap Vert dans 24h pour savoir qui a tord et qui a raison ! Espérons que notre option nous ramène devant , mais dans tous les cas pas de panique la route est longue et il y aura maintes options à jouer d’ici l’arrivée en Martinique ds 10 j !!
Sur ce, je vais réveiller Armel et prendre sa place dans la banette pour 2 heures de repos ou ce qu’il voudra bien me donner ! Il dort depuis 3h, le temps de couvrir 80 milles environ. espérons qu’il trouve encore moyen d’accélérer, même si on est déjà les plus rapides de la flotte cette nuit ! On attaque !!!!!
Carnet de bord rédigé en exclusivité pour Voiles et Voiliers à retrouver ici