Le Championnat du Monde de Moth International s’est déroulé à Hayama au Japon (sud-est de Tokyo). Cette épreuve réunissait 67 concurrents de 12 nationalités.
Benoit MARIE termine 27ème – et seul Français – à l’issue de cette semaine de régates entouré de marins aux palmarès de très haut niveau (JO, America’s Cup,…).
Interview exclusif de Benoit en direct du Japon :
Benoit, tu viens de terminer ta semaine de course, peux-tu nous résumer ton championnat ?
Mon championnat ne s’est malheureusement pas déroulé comme prévu : en effet, j’ai subi des casses matérielles majeures en début de championnat. La première journée fut une journée noire : un problème de palpeur sur la première manche, un bris d’un cordage de hâle-bas lors de la seconde, puis la casse d’un hauban avant la troisième manche du jour m’a lourdement handicapée, puisqu’une fois dématé, j’ai dû être secouru et remorqué jusqu’au port, pour refaire un gréement et réparer les dégâts collatéraux.
J’ai perdu au total 3 manches hors course à cause de ces diverses casses, dont 2 qui rentrent dans le calcul des points au classement général. C’est vraiment dommage, surtout qu’un démâtage, c’est assez traumatisant ! Difficile de retirer fort sur le bateau quand on se demande ce qui va casser. Comprenez que sur un bateau qui vole, l’engagement est total, il faut faire corps avec son bateau. Si on est en retrait ou sur la défensive, ca se passe mal, à coup sûr…j’ai pu le vérifier !
La suite du championnat s’est mieux déroulée, en reprenant confiance petit à petit en ma monture. A part une manche où j’ai chaviré 4 fois à cause d’un déréglage du système de palpeur, je rentre toutes mes manches dans les 20 premiers !
Une excellente vitesse, des bons départs, il y a eu du très bon dans ce championnat, même si je paye au prix fort la mise au point des modifications effectuées cet hiver, et un manque de recul en terme de fiabilité.
Tous les dossiers ont été difficiles à boucler techniquement. Vu le niveau de précision exigée, ça ne pardonne pas. Aussi, j’ai pu constater à mes dépends que ma nouvelle voile – qui est la même que le champion du monde! – engendre des efforts 40% supérieurs à la précédente dans le bateau. Ce n’est pas négligeable et ça nécessite une préparation différente… que j’ai du effectuer en plein championnat, n’ayant reçu ma voile que quelques jours avant le championnat.
Quel est ton ressenti général sur cette course ?
Ce championnat arrive tôt en début de saison, j’ai passé trop de temps à modifier ou mettre au point mon bateau. La tâche était difficile, mais il m’a manqué quelques jours pour me sortir des ennuis techniques.
Je pense qu’aujourd’hui, l’essentiel est derrière moi. La preuve en est puisque les 3 derniers jours de championnat, je n’ai pas eu de finitions à faire sur le bateau. Mais honnêtement, je suis déçu de mon résultat, car ma vitesse est celle d’un top 12 ou top 15 mondial.
J’ai manqué de repères sur ce nouveau bateau, si différent que l’ancien après les modifications effectuées cet hiver. Le potentiel est là, c’est clair, mais il va falloir passer des heures sur l’eau pour retrouver mon niveau d’utilisation que j’avais l’an dernier. Il m’a manqué quelques jours en préparation, voilà tout. C’est un sport mécanique et il faut l’accepter, même si c’est pas toujours facile à avaler. J’étais venu faire un meilleur résultat, mais cette classe de très haut niveau rend humble. A moi de tirer les enseignements et de revenir plus fort sur la suite de la saison !
Quels auront été tes enseignements de cette course ?
J’ai beaucoup appris en terme de réglages sur ma nouvelle voile, assez différente de ma précédente. Techniquement, à échanger avec les meilleurs de la classe, qui partagent volontiers leur expérience, j’ai beaucoup appris, notamment sur mon système d’asservissement de foil, que j’ai totalement modifié.
Je sais où j’en suis de mes évolutions, les petits réglages à effectuer pour gagner en performance et en confort. Ce n’est plus un point d’interrogation, mais d’exclamation.
Je connais le potentiel de mon voilier. Je sais ce qu’il me reste à faire pour encore progresser. Bref, sans aucun doute, il fallait venir. J’ai un vrai bon outil de travail, il reste à l’exploiter à fond maintenant.
Quels sont selon toi tes points forts, tes points faibles et tes axes de travail ?
En point fort : La vitesse, clairement un gros cran au-dessus de l’an dernier.
Mes axes de travail c’est le « boat handling » : retrouver mon aisance à bord lors des manoeuvres. Pour ça, je vais appliquer la même méthode que l’an dernier, des sessions de cardio à ne faire que des manoeuvres, à ne plus en pouvoir ! J’ai aussi prévu de renforcer certaines parties du bateau, histoire de prévenir plutôt que de guérir, et de pouvoir encore augmenter la charge de travail dans les cordages, notamment en passant à 2 tonnes sur le hâle-bas !
Par rapport au Championnat en Australie l’an dernier, quelles évolutions ?
Houla, le bateau n’a rien a voir ! Seul le safran utilisé dans le vent fort était le même.
Le reste, j’ai tout modifié : le système d’asservissement de foil, avec l’ajout notamment d’un bout-dehors, une bôme coudée et profilée développée en partenariat avec SEAir et que j’ai dessinée, une structure d’aile réduite pour gagner en trainée aéro (suppression des barres de compression sur les barres d’ailes avant) . Nouvelle voile, ajout d’un système de réglage de quête en navigation… Beaucoup de dossiers sur lesquels il a fallu cravacher pour les boucler. Et ceux qui connaissent la technique vous le confirmeront tous, tout prend tellement plus de temps que prévu !
Que retiendras-tu du Japon ?
Je retiens entre autres la précision requise par le très haut niveau du côté sportif, mais surtout la gentillesse des Japonais ! Ils ont été absolument tous incroyables de gentillesse, à être sincèrement honorés de pouvoir nous aider. C’est sans aucun doute le championnat le mieux organisé auquel j’ai participé. Ils ont fait très très fort ! Et la différence de culture ne fait que le souligner. J’ai été absolument séduit par ce peuple au respect et à la gentillesse sans limite.
Une (ou plusieurs) anecdotes ?
Oh, des anecdotes, j’en ai des dizaines ! J’ai adoré doubler le champion du monde de Moth 2012 en vitesse pure sur les départs, ou encore m’entendre dire par Chris Rashley, vice-champion du monde que je suis rapide… Ou encore voir tous les cadors reluquer mon bateau et me dire « chapeau »…oui, ça aussi, ca fait plaisir !
Et la suite en Moth, quel programme ?
Le bateau reprend l’avion cette semaine pour la France. Dès son arrivée, je recommence à naviguer pour le fiabiliser et retrouver mon niveau, avant les championnats d’Europe qui auront lieu à Maubuisson, près de Bordeaux du 18 au 24 Juin. Après, ce sera direction le lac de Garde en Italie pour The Foiling Week, puis le reste de la saison !
Quels sont tes autres projets pour cette année ?
Je vais me concentrer sur mon bateau pour ces échéances à court terme, et en parallèle, je continuerai mes travaux d’ingénierie pour SEAir, notamment sur le mini auquel nous ajoutons des foils…
Il y a plusieurs autres dossiers en cours, notamment sur mon Moth, un projet de recherche sur des nouveaux foils réalisés en Région Pays de la Loire… Et l’an prochain, j’aimerais retourner au large, en multicoque volant…
Le mot de la fin ?!
Un championnat de début de saison difficile certes, mais plein d’enseignements ! Je reviens avec des certitudes à mes questions, et un bateau qui commence à être vraiment au point. J’ai identifié les axes de travail, à moi de réussir à transformer l’essai pour faire une belle saison !
Un énorme merci à mes sponsors Volotea, Alturion, ADIM Ouest, Relay, Goiot, CBP, SEAir, sans qui tout cela ne serait pas possible. J’étais très fier de porter haut vos couleurs, en même temps que celles de notre chère France ! Cocorico !
Et évidemment, un grand bravo au vainqueur Paul Goodison, (également médaillé d’Or aux JO de Londres 2012), sacré champion, et un tonnerre d’applaudissements pour nos amis Japonais pour ce championnat en tout point exceptionnel !
Crédit photo : YANMAR Moth World Championship 2016@JUNICHI HIRAI / BULKHEAD magazine JAPAN