Me voilà de retour d’un beau voyage dans le grand Nord, au pays du froid et des voiliers qui rayent la glace à toute allure !
Un voyage d’apprentissage d’un nouveau support, qui m’a permis d’énormément apprendre, travailler et progresser dans divers domaines : technique, avec l’ensemble des réglages disponibles sur ce petit voilier qui fonctionne avec la souplesse – a contrario de ce que l’on trouve sur l’eau – en tactique avec des manches qui se déroulent à 40 noeuds, en conduite avec des trajectoires dictées par la construction du vent apparent… 
Un voyage d’une immense richesse, accueilli comme un prince par un grand champion de voiliers sur glace, Vaiko Voorema, dont la gentillesse n’a d’égal que le talent… J’ai pris connaissance du DN (c’est le nom de la série) à mon arrivée à Haapsalu, petite ville de la côte Ouest de l’Estonie, à 1h30 de car de Tallinn, la capitale.
Quelques jours pour finir la construction, l’accastillage et le réglage de mon nouveau bolide tout neuf en compagnie de mon mentor, avant d’aller le baptiser lors du championnat d’Estonie… Je découvre la glace, le terrain de jeu enneigé, les multiples réglages. Le plus intéressant sur ce voilier est ce mât qui plie sous charge, permettant une autorégulation du moment de chavirage, ce qui plaque le voilier sur ses patins pour mieux accélérer une fois lancé à pleine vitesse. Malheureusement, le vent est léger et ne permet de courir qu’une seule journée, dans un vent léger et sur une glace enneigée donc collante. Je finis le championnat de découverte à une très belle 7e place sur 24 concurrents. 
La suite se fera en Pologne, où nous fuyons la vague de froid sibérien pour des lacs vierges de neige. D’abord à Gizycko, où nous nous entrainons une journée dans de la neige fraiche et légère qui fait virevolter nos sillages, puis le lendemain à Szczecinek sur un petit lac vierge de toute neige, à quelques 400km de Berlin, soit 1500km de notre point de départ estonien. Là, je découvre ce que « la glisse » signifie. Le froid est vif, le vent léger, à peine perceptible sur nos joues anesthésiées par le blizzard givré. On dépasse les 40 noeuds, 5 fois plus vite que le vent… L’enjeu est de régler le bateau pour qu’il s’auto-régule : position du pied de mât, longueur et tension des haubans, quête, hauteur de la voile, angle de tire de l’écoute, tous ces paramètres jouent sur le cintre du mât, dont la raideur est choisie en fonction du gabarit du pilote. 
Guidé par Vaiko et son fils Argo, j’explore les différentes possibilités. Si la glace est rapide, on privilégie la diminution de trainée, si au contraire ça colle, on a besoin d’un peu plus de puissance. Si le patin au vent se lève brutalement, c’est que les haubans sont trop tendus… Il faut jouer sur tous les paramètres et ce petit jeu est très, très intéressant. Changez deux réglages et le comportement du char passera d’un engin trop fougueux à celui d’une souplesse molle. Trouver le bon réglage demande un peu de doigté, mais bien guidé par mes hôtes, je trouve vite les clés des bons réglages.
Après, ce qui joue énormément, ce sont les patins : leurs matériaux, tendres ou durs, leur longueur et la forme de la lame, (bananée ou tendue), l’épaisseur de la feuille de métal, l’angle de taille du V qui pénètre dans la glace, la taille de la structure en carbone qui les rigidifient. Tout cela altère les performances selon que la glace soit dure ou molle (en général liée à sa température), sa rugosité, la présence d’une couche de neige plus ou moins fraiche ou collante… Apparemment, la théorie n’est pas si claire que cela et là, seul l’essai et l’expérience comptent.
Un jour le premier patin fonctionne à merveille, le lendemain, alors que les conditions semblent être similaires c’en est un autre… Les meilleurs ont jusqu’à 30 patins, qu’ils emportent avec tout leur matos vers la ligne de départ. De mon côté, j’avais le choix entre des patins durs et courts pour la neige, et des patins longs et « soft » pour la glace. Comme les voitures de rallye, on va sur la zone de course et on fait l’échauffement sur le parcours avec les patins durs, et on sauve les patins plus souples pour la course. Le moindre petit grain de sable peut rayer la surface et avoir des conséquences terribles pour la glisse. Nos soirées seront passées à peaufiner leur état de surface, à les aiguiser dans nos chambres d’hôtel pour être prêt le lendemain matin… 
Arrive la compétition, on commence directement par le gros morceau : le championnat du monde ! La flotte est séparée en 3 ronds par niveaux de 55 personnes (nous sommes 156 concurrents !), en fonction du classement des 2 années passées… Donc je commence forcément la compétition dans le rond le plus faible, le rond bronze, mais avec la ferme intention de progresser ! J’ai alors une unique opportunité pour passer dans le rond plus fort : il faut que je fasse dans les 12 premiers lors de la toute première manche du rond du championnat… Ce que je réalise ! Me voila dans le rond argent ! Je manque les qualifications pour l’or de peu, ayant perdu 4 des 6 pointes qui agrippent la glace sous mes chaussures au départ. Difficile de pousser dans ces conditions… Mais c’est la course et la suite sera une belle montée en puissance tout au long de la compétition, que je finirais à la 5e marche du rond Argent après avoir fini la dernière manche sur la seconde marche du podium ! Une performance inespérée après 4 maigres jours d’entrainement, mais les sensations sont au rendez-vous et j’apprends de mes erreurs de la veille.
Après ce championnat, on recommence tout pour les championnats d’Europe… Même chose, mais cette fois-ci, fort de l’expérience du championnat précédent, je mène la première manche sur 2 des 3 tours pour passer dans le rond argent, puis j’arrive à accéder au rond or après une bataille navale qui se clôture par un passage de ligne à 42 noeuds, où je coiffe sur le poteau quelques concurrents pour prendre une 9e place ! IN-CRO-YA-BLE !! Trop content d’accéder au rond or et de commencer le championnat sur les chapeaux de roues, ma motivation est à bloc. Malheureusement une légère couche de neige qui s’agglomère en petits tas vient dégrader notre jolie glace. Le vent se fait plus léger et je découvre ce que c’est que de pousser pour lancer en pleine manche ce petit bolide qui aime la vitesse, mais qui a besoin d’un peu de vent pour démarrer quand-même… J’apprends à mes dépends certaines règles un peu étranges sur la poussée dans la pétole, mais j’arrive à rentrer des manches dans les 23 premiers. La bagarre est rude, le paquet compact, la prise de décision immédiate… Et les croisements à 130 km/h de rapprochements frontaux méritent une attention constante. Pas le temps de réfléchir, il faut anticiper les décisions et ne pas être à contre temps… Un exemple, un empannage 2 secondes trop tard et c’est 25 personnes qui me marchent dessus sur le dernier portant d’une manche, où mon résultat final se voit doublé en quelques secondes. Un super apprentissage assurément ! 
C’est à une 35e place – sur 156 concurrents – qui sonne comme une victoire que je finis ce premier championnat d’Europe sur la glace, ravi mais frigorifié ! Et oui il fait -10°C sur la glace, mais avec 80km/h de vent apparent, ça nous donne un ressenti de -24°C… Je ne suis pas frileux, mais quand-même, ça finit par piquer après 7 heures sur la glace !
Je reviens avec 7 pages de considérations techniques, une vitesse de pointe de 46,8 noeuds (87km/h) par 10 noeuds de vent seulement, un cerveau apte à régater à 40 noeuds, une bonne compréhension des systèmes d’autorégulation souple de ce bateau super intéressant, et une folle envie de faire mieux l’an prochain !
Un immense et chaleureux MERCI à mon ami Vaiko et son fils Argo Voorema pour leur gentillesse sans limite, à Jaanus Tame, Mihkel Kosk et à tous mes amis givrés pour leur aide au jour le jour. Sans eux, je serai sans doute encore en train de pousser dans la neige ! Du fond du coeur, merci !
Et maintenant, petite pause de 2 semaines, et je vous retrouve archi-motivé aux Bermudes, pour les championnats du monde de Moth International ! On va voir si je suis plus rapide dans ma tête et sur mes foils !