Avant la 11ème et dernière manche du championnat d’Italie je suis virtuellement à égalité avec Carlo de Paoli. Nous avons 5 victoires de manches chacun et le même nombre de points. Le troisième est loin, avec 3 fois plus de points que chacun de nous. « Winner takes it all » : celui qui remporte cette dernière manche emporte également le championnat d’Italie. La tension est à son comble sur le départ, la procédure est lancée, puis arrêtée à 1min 30 du top départ… Il reste encore 10 min de temps réglementaire au comité de course pour lancer l’ultime duel. Nous sommes 28 concurrents sur la ligne de départ, avec les meilleurs Italiens, Allemands, Autrichiens et Français, tous réunis à Torbole, sur le magnifique lac de Garde près de Vérone. Carlo est un bon ami et nous sommes au même niveau depuis plusieurs années. Je suis venu jusqu’en Italie pour ce bras de fer, Carlo étant vice champion d’Europe au terme d’un championnat altéré par de la casse mécanique de mon côté. Je suis venu prendre ma revanche, j’ai bien travaillé sur mon bateau en cherchant la fiabilité partout. Mon bateau va super vite, mais Carlo est solide et c’est le local de l’étape. Il est très fort et très régulier. Arriver à égalité au terme du championnat est déjà une grande satisfaction. 
Le départ est donné, tout le monde part tribord amure, puis vire pour aller chercher la bouée. Carlo a viré un peu avant moi, il prend une méga adonnante qui le rapproche de la première bouée, je vire près de lui pour limiter l’écart, mais tombe dans un trou de vent, sans voler… « Ca va être compliqué Benoit si tu ne réagis pas » je me dis. Je redécolle, m’applique dans mes virements, passe le petit bord de dégagement en vol dans le vent super faible, puis attrape la risée qui descend de la montagne avec le groupe de chasse, je dois être 7e, Carlo a empanné juste après la bouée pour tenter de contrôler, mais nous arrivons avec la pression, nous le doublons, il ne peut pas faire grande chose… J’empanne un peu en avance par rapport au groupe, passe devant Carlo, ré-empanne pour enrouler la bouée de gauche avec les autres que je presse au passage de la bouée, que je passe d’une courte tête d’avance… Le près est mon point fort et j’accentue mon avance à la bouée au vent… Mais il se passe la même chose qu’au bord précédent, le vent revient par derrière et mes 100 mètres d’avance fondent comme neige au soleil, j’empanne pour contrôler, mais dois éviter in extremis Carlo en sortie de manoeuvre car il a la priorité… Je vise l’arrivée pour le dernier empannage, comme au bord précédent, mais il parvient à empanner juste devant moi… Il passe la ligne d’arrivée 2 mètres devant moi, une demi longueur. Voilà, il a gagné ! Bravo Carlo, bien joué l’ami, c’est toi le champion, y’a rien a dire ! 
Forcément sur le retour au port j’analyse mes erreurs, ce qui m’a échappé… Il y a forcément ces deux petits incidents qui m’ont coutés, l’un avec un concurrent peu fair play en début de journée, et la veille bloqué à terre par ce problème de mise à l’eau du site. Je me dis que si j’avais volé un peu plus haut je serai peut être passé devant pour empocher le titre… Ou pas. De toute façon c’est comme cela, il faut regarder le positif et c’est déjà super d’avoir fait un si beau championnat. J’ai tenu la pression, gagné des manches tous les jours, dont les 3 du samedi matin d’affilé. J’ai retrouvé mon niveau de confiance à bord, je suis le plus rapide au près avec tous mes développement sur mon bateau depuis 2 ans qui finalement payent de manière très claire, je suis physiquement au point, c’est top. J’ai encore appris des choses et le débriefing est instructif, et c’est bien la raison pour laquelle j’ai encore traversé l’Europe ! Il m’a surement manqué un peu de réussite mais c’est le sport et Carlo a été meilleur, j’aurais ma revanche la prochaine fois ! 

Crédit photos : Martina Orsini