« Je vous avais laissé dans la fournaise de l’équateur, l’humidité et l’inconfort le plus total sur le chemin des Antilles. La bagarre d’empannages à 23 noeuds de moyenne a finalement cessé au profit d’une bascule de vent de NE molissant, et c’est dans un long tour droit de plus de 1000 mn en tribord amure que nous avons engagé nos étraves. Depuis 2 jours nous sommes au coude à coude avec Solidaires en Peloton, et on s’appelle de temps en temps par radio VHF pour échanger des nouvelles du bord, des souvenirs et quelques infos de vent. C’est sympa de pouvoir papoter avec des concurrents en visuel au bout de deux semaines de course ! Il faut dire que ce bord depuis Fernando traine un peu en longueur avec le vent qui nous obligeait à manœuvrer toutes les heures puis maintenant faibles, qui allonge notre ETA. Au moment où j’écris ces lignes il reste un peu moins de 600mn avant la Martinique. Une distance couvrâble en a peine plus de 24h par nos superbes machines… Si on avait du vent !! Là on devrait mettre le double mais qu’à cela ne tienne, on ne s’en plaint pas. En effet, nous sommes en train de sortir du Pot au Noir, (saison deux!), et cette fois ci, vents erratiques il y a eu mais point d’activité orageuse.
Soleil purpurin, mer céruléenne, pont sec, pleine lune. Changement de décor qui a redonné beaucoup de confort à notre vie à bord. Matossage à l’avant, on a même tenté la sieste sur le trampoline à l’avant ! Il y avait du spray donc j’ai décidé de rentrer dormir mon quart off dans la bannette à l’arrière de la coque centrale, mais comme on n’avance pas beaucoup, j’ai ouvert le capot latéral, pour ventiler un peu,…. La sieste à peine commencée, je me suis fais réveiller par une vague qui a décidé de finir sa vie sur moi, éclatant à travers le hublot et me recouvrant intégralement de la tête au pied, totalement trempé les yeux et le nez plein d’eau ! Forcément vu les conditions de température c’est pas si grave et au changement de quart je raconte ma mésaventure de la nuit à Armel, tous les deux hilares sur le pont à sécher ! Souvent j’entends des voix, la nuit d’ailleurs c’est souvent Armel qui me dit qu’il a besoin de moi (ce qui n’est à chaque fois absolument pas le cas) , alors je sors, lui demande « tu m’as appelé ? » Et vu l’activité du moment je comprends vite qu il s’agissait d’une hallucination créée de toute pièces par mon cerveau fatigué … A d’autres moments c’est un couinement d’une écoute que je prends pour un « Benoit !? », mais en réalité, pas du tout. Bref, on va bien dormir en arrivant !!
Dans le chapitre galère on a perdu les informations des deux capteurs de vent en haut du mât : impossible de savoir force et direction du vent, ce qui est fort handicapant sur un bateau où les angles de vent apparent se trouvent toujours entre 40 et 50 degrés… La nuit, c’est parfois bien difficile de savoir quelle est la bonne voile, ou si on navigue au bon angle… Plus de mode vent du même coup sur le pilote automatique, celui qu’on utilise quasiment en permanence ! Bref ça nous complique la vie, surtout que comme toutes nos télécommandes ont rendu l’âme, c’est pas toujours simple d’avoir le bon temps de réaction mais on s’accroche !!
Sinon on a le bonheur d’être éclairé par la lune qui nous permet de distinguer les voiles presque aussi bien qu’en plein jour. L’autre jour, l’astre s’est levé au moment du coucher de soleil, directement à l’opposé et la pleine lune rousse sortant de l’horizon nous a donné un spectacle magnifique alors que nous préparions un gybe pour retourner longer la zone interdite. Ce matin c’est le lever de soleil sous les nuages qui fut absolument fantastique, Thibaud, Fred et leur trimaran bleu 3 milles à notre vent. Ils sont coriaces ces copains d’ailleurs, et malgré la perte de leur grand gennacker ils sont difficile à semer !!! Toute la journée nous l’avons passé concentré sur la marche du bateau pour essayer de lui prendre quelques mètres. Le vent molissant par devant on a réussi à conserver notre faible avance… Et enfin le vent est un peu revenu par devant et pour le dîner on nous a servi quelques noeuds de plus comme prévu. Le pot au Noir version Ouest aura été une bande de vent calme, un grand lac plat plein de petits poissons volants en bancs, sur une eau prenant parfois des reflets teintés de vert quand on traverse les méandres de courants de l’Amazone. Une eau de forêt qui se mixe à la mer, c’est étonnant , on dirait presque qu’il y a quelques petites algues dedans !
Sous notre vent se trouve Kourou et la Guyane Française, ce petit bout de France amazonienne qui possède une place bien particulière dans mon histoire familiale puisque mon grand père y dirigeait le pas de tir et lançait les premières fusées européennes. C’est lui qui m’a donné le goût de la technique, de la science et de l’aérodynamique. Il aurait été fier de ma trajectoire et je pense bien à lui et à ces histoires d’un autre monde… C’est ça aussi le privilège du marin, c’est qu’il a le temps de contempler la géographie, imaginer la terre à ces endroits inconnus. J’aime ce voyage et à chaque fois je me dis, « tiens je viendrais bien découvrir le coin un de ces quatres ! ».
Mais en attendant j’ai les yeux rivés sur notre gennacker et le speedo du bateau pour affiner le réglage qui nous permettra de garder cette 4e place jusqu’au bout ! Il faut sortir le plus vite possible de cette bande sans vent et faire du gain vers l’arrivée ! Le match avec le trimaran bleu ne fait que commencer… Rdv dans deux jours pour l’arrivée en Martinique, j’ai une envie de sorbet coco à motiver un mort de revivre. Alors on règle bien nos voiles et on avance ! A tout bientôt, préparez les ti punchs !«
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